Viswanadhan
-
Viswanadhan
-
Quadro, exposition du 28 septembre au 27 octobre 2012
-
J'accepte les signes
J’accepte les signes, dit l’artiste, et c’est un accident somme toute trivial, une chute, qui est à l’origine de l’ample et majestueux triptyque rouge et noir qui absorbe toute la lumière de l’atelier de Viswanadhan. Accident. On en douterait presque en se remémorant que coïncidences, concordances et affi nités ont jalonné l’itinéraire de l’artiste. Elles ont toujours été à l’origine d’une mutation ou d’une évolution. Privé de l’usage de sa main droite, sa main agissante d’artiste, Viswanadhan aura la réaction paradoxale de s’atteler à trois énormes toiles. Les plus vastes formats qu’il ait jamais réalisés en l’espace blanc de son atelier. Ils produisent un effet solennel, presque grandiose dans leur austérité.
Quadro
Chaque peinture possède son propre espace défi ni par le carré. Le quadro, tableau en italien, de la toile de Viswanadhan, enserre, limite les éléments qui constituent l’oeuvre. Dès ses débuts, le peintre n’aura cessé de privilégier ce quadrilatère aux quatre côtés égaux. Au-delà d’une simple forme géométrique orthonormée, les côtés du carré vont constituer un cadre stable d’une élégance épurée. Chaque élément de cet ensemble est cloisonné par ses propres lignes, béances laissant apparaître la matière noire du fond. Le format carré devient l’espace qu’il détermine: quand on regarde avec le troisième oeil, l’oeil de l’intellect, on a une vision carrée du monde ; d’ailleurs, le cercle s’inscrit dans le carré. Vision intérieure donc, qui s’oppose à la vision anatomique. Binoculaire et panoramique elle est, par voie de conséquence, rectangulaire : c’est celle du cinéaste qu’est aussi l’artiste. Car le peintre n’a ni plan, ni intention ; il peint comme il marche, par réfl exe plus que par réfl exion. La trace n’est pas volontaire, mais il l’accepte. Chaque mouvement est médité plus que mûri. Ni effet recherché, ni spontanéité. De même, chaque toile devient le lieu d’une expérimentation et, à ce titre, il n’en rejette aucune. C’est au spectateur d’y voir et de savoir. A lui d’assimiler les choses comme elles viennent, en écho au Il n’est en art qu’une chose qui vaille: celle qu’on ne peut expliquer de Georges Braque.
DOCUMENTS
La version papier est disponible à la Galerie Fernand Léger
ou sur simple demande par mailRenseignements:
Galerie Fernand Léger
93 Avenue Georges Gosnat
94200 Ivry-sur-Seine
Téléphone : 01-49-60-25-49
-
Yantra
Cependant, il est manifeste que les traits fondateurs de son art, qu’il s’agisse de tableaux ou de fi lms font implicitement référence à la mémoire et aux souvenirs de son enfance indienne au Kerala. Son père était vishwakarma, artiste et architecte. Son rôle était de dessiner en compagnie d’autres dévots, les mandalas rituels. C’est dire si, enfant, il a été témoin et acteur d’une série d’opérations mentales et d’actions rituelles qui impliquent des gestes, des sons et des objets. Ceux-ci vont constituer les repères visuels et intellectuels de ses peintures et de ses fi lms. Art et religion sont deux noms d’une seule et même expérience, une intuition de la réalité et de l’identité, écrivait Ananda Coomaraswamy dans Hindouisme et bouddhisme. Et c’est bien cette imprégnation kinesthésique qui va constituer le substrat de la représentation conceptuelle de l’artiste, se muer en un processus de re-création où vont interagir différents facteurs : dépasser un double héritage culturel indien, puis occidental pour se forger son identité, ouvrir le regard pour absorber les propositions plastiques et laisser intervenir l’imprévu: fi xer sa vision, choisir dans l’espace et voir tout ce qui apparaît.
Circumambulation
Matière et couleur vont de pair. Viswanadhan a fait le choix d’abandonner la peinture industrielle et ses polymères au profi t de matériaux fragiles d’origine minérale pour leur pureté. De fait, pigments naturels et caséine confèrent à l’oeuvre des effets de transparence, d’opacité et un velouté qui contrastent avec l’incandescence du rouge qui se détache sur le fond noir immaculé de la toile. Il faut imaginer sa haute silhouette ployée, pinceau en main, le bras parfois tendu à l’extrême, exécutant des va-et-vient autour de la toile posée sur une table, en écho aux rituels de son enfance se déroulant au sol. La toile est enduite de caséine, les pigments malaxés à la même préparation qu’il a auparavant élaborée. C’est la répétition des traits parallèles, des aplats qui crée et scande l’oeuvre ; ce même geste, précis, net du large pinceau imprégné de pigment rouge et posé sur la surface noire de la toile. La variabilité des combinaisons induites par le sillon du pinceau est infi nie ; elle résulte de la charge du pinceau, du geste de l’artiste, de la pression et de la dynamique exercée. La toile se trouve progressivement unifi ée par ces empreintes régulières. En juxtaposant les éléments avec une recherche formelle exigeante, il abolit le concept classique de composition, lui substituant une organisation d’un autre ordre reposant sur l’adéquation du rythme, de la couleur et de la pesanteur.
En effet, peindre horizontalement n’a rien d’anodin. Privilégier la création au sol, celle des mandalas, provoque automatiquement un basculement de la vision de l’artiste qui, frontale, va s’orienter vers le bas. Viswanadhan doit alors arpenter, en une série déplacements discontinus, la périphérie de la toile pour en circonscrire l’espace, fl échissant son corps, étirant son bras pour composer et recomposer sa surface. Des possibilités plastiques inédites vont ainsi pouvoir s’exercer. Le retournement de la toile est le dernier geste créatif, celui qui fait passer l’objet peint de l’inachèvement au statut d’oeuvre à part entière. À l’image du cosmos, ses oeuvres n’ont ni début, ni fi n, ni milieu. La force de sa recherche esthétique gît dans une neutralité que ne vient entraver ni narration, ni discours, ni théorie. Une juxtaposition d’instants. Laissant transparaître une mémoire indienne enfouie...
évènements
Vernissage le jeudi 27 septembre à partir de 18h
- Galerie Fernand Léger