Clément Borderie
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Clément Borderie
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Translation, exposition du 5 avril au 10 mai 2013
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Translation
Je connais Clément Borderie depuis longtemps et j’ai toujours été sensible au gai savoir, à l’esprit d’enfance, à l’énergie continue qu’il dégage. Je l’ai connu dans sa création, dans des luttes pour la création, au-delà de lui-même, ou au fil des conversations. J’ai toujours eu le sentiment qu’il était un de ces artistes qui disent « oui » au monde. « Oui », puisque nous appartenons à ce monde qui bouge et que nous bougeons avec lui. « Oui » à ce glissement, à ce mouvement qui permet de débusquer la vie, là où elle se manifeste, qu’il faut savoir voler pour la voir se déployer. Je pense à Gérard Gasiorowski, qui un jour au sein d’un paysage se mit à tourner sur lui-même proférant le mot « oui », répété à l’envie, pour m’expliquer qu’il fallait savoir simplement dire oui au monde. Ce moment, je l’associe à Clément Borderie, à ce « oui » que toute son oeuvre dit à la nature. Cette oeuvre qu’il conçoit et dont il construit la stratégie conceptuelle, technique, matérielle pour qu’elle puisse dire oui à la pluie, aux saisons, au vent, au givre, aux passages des animaux, à la lumière solaire, à la lumière lunaire. Oui, cela signifie que ses toiles en sont le réceptacle, le laboratoire, le champ de bataille, ou modestement des surfaces pour ces singuliers sismographes.
DOCUMENTS
La version papier est disponible à la Galerie Fernand Léger
ou sur simple demande par mailRenseignements:
Galerie Fernand Léger
93 Avenue Georges Gosnat
94200 Ivry-sur-Seine
Téléphone : 01-49-60-25-49
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Clément Borderie n’est pas en prise avec la nature, pour l’imiter, la transposer, la représenter par des moyens sophistiqués qui lui sont étrangers. Il sait que « l’art suprême de la guerre est de ne pas avoir à la faire » et que l’art, acte affirmé de culture, de construction, s’oppose à la belle confusion de cette nature. Il la retourne en alliée et en fait sa langue, c’est-à-dire ses formes, son lexique, son corps. Sa position rappelle les pensées présocratiques ou extrême-orientales qui se coulent dans le mouvement de la matière, non pour en être l’otage, mais, au contraire pour nous permettre grâce à elle de voir, de comprendre ses déplacements secrets, ses flux concentrés ou étoilés, de prendre conscience et, ainsi, d’incarner ce principe de mobilité qui est le coeur de la recherche de Clément Borderie. Les techniques de prélèvement, d’emprunte, de maculations font partie de manipulations ou d’opérations qu’ont utilisé de façon régulière les artistes depuis le XIXe siècle. La manière dont ils les représentent, laisse souvent voir le processus menant à leur aboutissement. Nous entrevoyons les étapes et le calendrier d’un processus. A l’opposé, dans l’oeuvre de Clément Borderie, nous pouvons tout en ignorer : les mécaniques, les dispositifs, les pièges qu’il a imaginés pour saisir le vif du temps. Le processus de captation accompli, Clément Borderie opère une rupture avec sa dimension matérielle et pratique pour affirmer la réalité mentale de son projet, de ces « paysages » qu’il construit. Il réintègre ses toiles, dans une position théorique et sensible de tableau en la relevant, la présentant, alors, à la verticale ou, plus encore, lui donnant structure et châssis. Nous abandonnons la « nature naturante » au profit de la nature construite par la pensée de l’artiste. Nous sommes alors devant des constellations, nous contemplons, avec fascination, une ligne d’horizon hypnotique sans plus se préoccuper des attendus de son projet. Cependant, par la méthode mise au point, la nature représentée n’est plus juste une image mais un corps véritable dans lequel notre regard est inclus. Le temps du tableau est notre temps, celui que la toile a vécu et que nous vivons avec elle, à travers les travaux et les jours. Les deux entités, celle de l’oeuvre et celle du regardeur, partagent cette même expérience de la matière et de ses modifications. En regardant les oeuvres de Clément Borderie, je ne me sens jamais « séparé ». J’éprouve, au contraire, le sentiment mystérieux d’une étonnante fusion entre mon corps et celui de l’oeuvre, comme si avec elle j’appartenais, anonyme mais par l’art, à la terre, au ciel, à l’eau, à cet immense remuement de l’univers en un même espace célébrant cette réconciliation.
Olivier Kaeppelin
évènements
Vernissage le jeudi 4 avril 2013 à partir de 18h
- Galerie Fernand Léger